Quelques réflexions sur les mycoplasmes...

 

Si les mycoplasmes ont souvent occupé le devant de la scène en médecine vétérinaire, responsables d'affections graves et variées chez de nombreuses espèces ( porcs, ruminants, volaille... ), il n'en était pas de même jusqu'à présent en médecine humaine.

Ainsi, à titre d'exemple, Mycoplasma pneumoniae, responsable chez l'homme d'une pneumonie "atypique" assez fréquente, était-il naguère régulièrement sensible aux antibiotiques ( notamment macrolides et tétracyclines ) et ne posait aucun problème thérapeutique. La guérison pouvait souvent en outre intervenir spontanément, sans aucun traitement, chez les malades ne souffrant pas d'une altération du système immunitaire.
Il n'en est hélas pas de même aujourd'hui, de nombreux mycoplasmes ayant acquis une résistance à la plupart des antibiotiques, et dans le même temps considérablement augmenté leur pouvoir pathogène !

Cette antibiorésistance développée ces vingt dernières années, encore trop largement méconnue du corps médical, constitue un facteur supplémentaire de "non - reconnaissance" des différentes infections dues aux mycoplasmes, bactéries sans paroi, intracellulaires et ressemblant à des virus, et extrêmement difficiles à déceler par les moyens classiques ( cultures, etc. )...

Néanmoins, il semble désormais établi que ceux-ci devront être davantage pris en considération dans les années à venir, au moins en tant que cofacteurs infectieux, comme cela a été démontré par exemple avec Mycoplasma fermentans et Mycoplasma penetrans associés au VIH ( et à d'autres pathologies ), ou M. hyorhinis ( un mycoplasme du porc ) et le cancer gastrique...

La transmission peut être parfois vectorielle, par l'intermédiaire des ixodidés, et fait ainsi l'objet d'investigations de la part du G.E.I.S.S.FA. dans le cadre des maladies potentiellement transmissibles par les tiques.

Mycoplasma pneumoniae, M. hominis, M. fermentans et M. penetrans ont ainsi déjà pu être inscrits sur la liste des agents des arbobactérioses humaines, de même que M. mycoïdes, responsable de la péripneumonie contagieuse bovine.

Nous préciserons que pas moins de 350 espèces de mycoplasmes sont toutefois recensées à ce jour, affectant hommes, animaux et plantes, et que nombreuses sont les espèces pathogènes à pouvoir passer d'un hôte à un autre, voire d'un végétal à l'homme ( = "phytonoses" ) !

Des "super-tiques" semblent par ailleurs capables d'inoculer simultanément plusieurs agents infectieux ( par ex. Babesia + Bartonella + Borrelia + Mycoplasma + Anaplasma phagocytophilum... ).

A l'instar d'autres bactéries, les mycoplasmes ( M. fermentans + + ) peuvent également simuler une Maladie de Lyme atypique, et de toute évidence constituer des cofacteurs infectieux de cette borreliose.

 

Complications extra - pulmonaires rares mais connues
des infections à M. pneumoniae
( + Mycoplasma fermentans incognitus, et autres ? ... ) :

 

- arthropathies : arthrites réactionnelles

- troubles neurologiques :

- polyradiculonévrite: les mycoplasmes peuvent également être à l'origine d'un syndrome de Guillain - Barré...

- myélite transverse

- méningo-encéphalite

Une forme rare de " Mycoplasmose locomotrice " ( M. pneumoniae ) a pour sa part été rapportée...

Plusieurs communications scientifiques attestent par ailleurs l'éventuelle implication de différents agents infectieux dans le déclenchement d'une " pseudo- SEP " ( ou d'une Sclérose en plaques authentique... ), tels Pseudomonas aeruginosa, Haemophilus influenzae, Chlamydia pneumoniae, Bordetella pertussis, etc., de même que Borrelia burgdorferi !
Ainsi la Maladie de Lyme pourrait-elle favoriser l'expression clinique de la maladie.

De même Mycoplasma fermentans incognitus, mycoplasme très particulier qui possède un ADN très semblable à celui des virus de type Herpès ( HSV - I et II, CMV, EBV, etc. ), virus dont on reconnaît l'importance dans le déclenchement d'une SEP chez des individus prédisposés ( ou non? ) génétiquement ( HLA - DR2...), pourrait éventuellement participer à sa pathogénèse... ( cf Dr Shyh-Ching LO - brevet n° 5242820 US patents office )

- troubles de l'immunité :

On sait également aujourd'hui ( voir base de données de l'Institut Pasteur ) que M. fermentans ( forme normale, "connue"... ) peut être aussi à l'origine de dysfonctionnements immunitaires ( mort programmée des cellules... ), ainsi que
d' affections auto-immunes ( activation des macrophages avec libération de cytokines: TNF alpha, interleukines... ).
( cf site http://www.pasteur.fr/recherche/RAR/RAR97/Lmyco.html )

D'autres virus ou bactéries pourraient être naturellement incriminés, notamment si l'on tient compte de la théorie du "mimétisme moléculaire" entre certains antigènes et des protéines liées aux différents groupes leucocytaires ( du type Klebsiella pneumoniae et HLA - B27 pour la spondylarthrite ankylosante... ).

- problèmes cardiaques :

Outre l'inflammation des articulations et des nerfs, on sait également qu'une cardite peut éventuellement constituer une complication ( heureusement rare ) d'une mycoplasmose.

- problèmes dermatologiques :

- érythème polymorphe ( syndrome de Stevens - Johnson... )

- d'autres complications sont parfois observées ( anémie, syndrome de Raynaud, C.I.V.D., diarrhée, syndrome de fatigue chronique, etc. ).

 

Mycoplasma fermentans incognitus ( comme éventuellement d'autres mycoplasmes, dont M. pneumoniae ) pourrait-il constituer une piste diagnostique acceptable afin d'expliquer certains syndromes, au moins en tant que cofacteur infectieux ?

Celui-ci, très difficilement décelable, a néanmoins pu être mis en évidence ( " gene tracking " - G. Nicolson ) chez 50 % des malades souffrant de la "Maladie" de la Guerre du Golfe !

Différents mycoplasmes sont par ailleurs curieusement retrouvés chez de nombreux patients ( 63 % ) souffrant du syndrome de fatigue chronique ( en Europe: M. hominis > M. pneumoniae > M. fermentans )...

 

Nous sommes en droit de penser, même si cela n'a pas encore été " ratifié " par nos autorités sanitaires, que certaines mycoplasmoses humaines ( et animales ! ) devraient d'ores et déjà être considérées comme des maladies ( ré- ) émergentes, malgré leur mise en évidence souvent extrêmement délicate en laboratoire.
Il n'existe malheureusement en France aucun Centre National de Référence pour les mycoplasmes !
Certains d'entre eux sont en outre capables de passer d'une espèce à une autre et les mammifères sauvages peuvent notamment constituer une source de contamination, pour les animaux domestiques comme pour l'homme ( on peut citer à titre d'exemple M. arginini reconnu responsable, chez des travailleurs canadiens en abattoir vraisemblablement déjà affaiblis néanmoins par une autre pathologie, d'une pneumonie fatale accompagnée de septicémie ! ).

Frappant hommes et bêtes, transmissibles par les arthropodes pour certains d'entre eux, les mycoplasmes retiendront donc désormais l'attention du G.E.I.S.S.FA. et tous les témoignages seront les bienvenus, de même que les cas cliniques avérés.

Confraternellement.

Dr Alain ARQUILLIERE
Président du GEISSFA ( Groupe d' Etudes et d' Investigations sur la Sécurité Sanitaire de la Faune )

N.B.: Mycoplasma est normalement du genre féminin, mais l'on dit un mycoplasme et le masculin a été utilisé dans tous les cas afin de faciliter la compréhension du texte…